Le travail photographique de Orith Youdovich est basé sur certaines coordonnées théoriques précises et expressives qui déterminent une grille visuelle capable de générer dans l’observateur une condition d’aliénation par rapport au concept de représentation du réel. Ce qui guide son regard est la relation esthétique, considérée comme le lien existant entre la perception sensible et la sphère intérieure et non pas la volonté d’exprimer le beau, entre l’urgence créative du photographe et la capacité d’entrer en communication avec le monde. Pour cette raison, les cadrages de la photographe communiquent toujours des sous-textes qui détournent la pensée de celui qui regarde vers des horizons qui n’ont rien à voir avec la représentation banale de la réalité. Ce mécanisme représente le coeur de la poétique de Orith Youdovich, laquelle opère dans la photographie de façon strictement philosophique, articulant le langage visuel de manière directe mais non conventionnelle.

Sa vision du monde ne provient pas du geste mécanique du déclic ni de l’observation superficielle de l’existence, mais de la réflexion sur la nature plus secrète de la vision, jamais considérée comme simple activité en mesure de répliquer la réalité. En ce sens, les images de Orith Youdovich sont fortement allusionnelles. Elles sont des métaphores visuelles d’un parcours introspectif. Ces métaphores, émergeant de l’apparente représentation banale du monde, parviennent à éviscérer, sous forme de paysage, la connexion entre l’auteur et l’indéchiffrabilité de l’existence.

Le noyau de la poétique de Orith Youdovich n’est pas seulement traversé de réflexions de concepts auto-référenciels. Ses oeuvres expriment aussi un vécu qui émerge à travers des signes de la réalité environnante et qui correspondent à des problématiques individuelles qui sont en fait aussi des questions collectives. Les paysages urbains, les espaces non distincts où tout pourrait arriver, la présence harmonieuse de la nature, les signes de la présence/absence humaine, forment une idée de la photographie comme procédure d’analyse de l’impossibilité de déchiffrer de manière définitive le sens de l’existence et du désarrois substantiel des êtres humains provoqué par la maladie, la solitude et la souffrance.

Les lieux énigmatiques qui caractérisent la vie quotidienne conduisent l’auteur à s’interroger également sur sa propre expérience artistique. Le oeuvres de Orith Youdovich n’expriment pas de certitude, mais ouvrent d’amples éclaircies dans le système complexe de la censure, généré par les superstructures culturelles et par les conventions humaines, également dans le domaine artistique. Pour cette raison son travail peut être considéré comme un processus de subversion, visant non seulement à démentir le stéréotype du photographe bâtisseur/copieur de réalité mais aussi à démolir les mécanismes bourgeois sur l’utilisation de l’oeuvre d’art.

Qui regarde une de ses photos, peut pratiquement reconstruire son propre univers, reconnaitre ses propres douleurs, grâce à un processus de démocratisation dans lequel l’auteur et l’observateur entrent en relation étroite et profonde intimité.

© m.g.d.b., 2009

(Traduction: Françoise Jolly)